NAPOLÉON ET LES FEMMES
Chambre de Napoléon à Fontainebleau |
Vous allez le découvrir côté cœur, à travers les femmes qu’il a aimées. Ses épouses et ses maîtresses ; celles qui l’ont trompé, trahi ; celles qui l’ont accompagné pendant des années ou le temps d’une seule nuit. Qu’elles aient été impératrices, comtesses, dames de compagnie ou filles de joie, elles l’ont connu comme personne. Le portrait de ces femmes et leur histoire vont nous permettre de découvrir un Empereur inconnu, l’Empereur amoureux.
Lorsque Napoléon arrive à Paris, en 1785, les femmes ne sont pas encore la priorité de ce garçon pauvre, mal habillé et sans ressource. Âgé d’à peine seize ans, ce jeune lieutenant cherche un régiment et une première affectation. Mais s’il privilégie sa carrière, la majorité de la société de l’Ancien Régime vit en revanche ses dernières heures de débauche. À Paris, les lieux de plaisirs se multiplient, le plus célèbre étant le Palais-Royal. Et c’est là que se rend Napoléon dans la nuit du 22 novembre 1787, avec la ferme intention de perdre sa virginité. Son initiatrice est une jeune prostituée. Napoléon n’a pas le temps de se laisser aller. Il part pour son île natale, la Corse, et participe activement aux débuts de la Révolution. Mais très vite, l’indépendantiste Pascal Paoli pousse les Bonaparte en dehors d’Ajaccio. Le 3 juin 1793, la famille doit fuir l’île de Beauté pour s’installer à Marseille. Cette même année, Napoléon s’illustre au siège de Toulon et est fait général. Mais sa solde est maigre. À Marseille, les Bonaparte sont accueillis et aidés par M. Clary, un riche marchand qui a deux filles, Julie et Désirée. Le frère aîné de Napoléon, Joseph, va épouser Julie Clary.
Napoléon, lui, a un véritable coup de foudre pour Désirée. Mais pour continuer à grimper les échelons de la société, en 1794, il regagne Paris, ville alors en pleine ébullition où il oublie vite la jeune Désirée, à qui il avait pourtant promis un amour éternel.
Le 9 thermidor an II, la chute de Robespierre marque la fin de la Terreur. Paris change de visage. Dans cette explosion de liberté, on assiste à une recrudescence de publications pornographiques qui auraient valu, la veille encore, la Bastille à leurs auteurs. Les lieux de rencontre sont désormais les cafés qui deviennent le centre de la vie politique et sociale, mais aussi les salons privés comme ceux de Mme Tallien où les libertins aiment à se retrouver. C’est là que Napoléon va rencontrer Joséphine. De son vrai prénom Rose, Joséphine est née en 1763 à la Martinique. Sa famille possède une plantation de cannes à sucre et exploite plus d’une centaine d’esclaves. De cette enfance indolente, la jeune Joséphine conserve l’habitude d’être choyée et servie. « Yéyette », comme la surnomment ses domestiques, a les goûts de luxe des aristocrates de l’Ancien Régime. Joséphine arrive en France à seize ans pour épouser le vicomte Alexandre de Beauharnais. Le couple a deux enfants, Eugène et Hortense. Mais en 1794, à cause de leur engagement royaliste, Joséphine et son mari sont envoyés à la prison des Carmes. Elle échappe de justesse à la guillotine, contrairement à son mari. Sous le Directoire, Joséphine devient alors une « merveilleuse ». Ses nombreuses conquêtes lui servent à satisfaire son goût excessif des belles toilettes. Elle fréquente les lieux où l’on s’amuse, comme le salon de Mme Tallien… Malgré ses trente-deux ans, Joséphine envoûte Bonaparte de six ans son cadet. Elle n’est pas amoureuse, mais s’aperçoit rapidement que ce Napoléon à de l’avenir. Peut-être même un destin exceptionnel. Elle voit aussi en lui un homme prêt à éponger ses dettes considérables… Pour cela Joséphine est prête à tout, même à changer de prénom...
Bonaparte est si amoureux qu’il décide de l’épouser. Le mariage a lieu le 9 mars 1796. Les deux époux falsifient alors l’acte d’état civil ; elle pour se rajeunir, lui pour se vieillir. Deux jours plus tard, Bonaparte part pour la campagne d’Italie. Si Alexandre de Beauharnai comblait Joséphine sexuellement, on ne peut pas en dire autant de Napoléon. Malade de jalousie, il exige de Joséphine qu’elle le rejoigne en Italie. Ce qu’elle finit par accepter, mais avec son amant dans les bagages. Après la campagne d’Égypte, l’ascension de Bonaparte est fulgurante. Il devient premier consul en décembre 1799. Joséphine jouit alors d’une position prestigieuse et mène une vie plus rangée, d’autant qu’elle commence à aimer son mari. Bonaparte, pourtant, s’éloigne d’elle et multiplie les conquêtes, des comédiennes, des courtisanes, et parfois même les dames de compagnie de sa propre femme. En amour comme en politique, personne ne résiste à Bonaparte.
Le 2 décembre 1804, au cours d’une cérémonie fastueuse à Notre-Dame, il se sacre lui-même empereur et sacre Joséphine impératrice. Il veut désormais un héritier. Mais Joséphine, pourtant mère de deux enfants, n’arrive pas à lui donner ce garçon qui le comblerait. Napoléon commence alors sérieusement à douter. Quand naît le premier enfant d’une de ses maîtresses, Éléonore Denuelle de La Plaigne, une évidence s’impose : il n’est pas stérile. Alors, la mort dans l’âme, il demande le divorce. Il lui faut une épouse capable d’assurer la descendance de son empire. Si possible, une femme issue d’une grande famille impériale. Le choix se porte sur la jeune Marie-Louise d’Autriche, fille de l’empereur François Ier. Joséphine, bien que divorcée, garde son titre d’impératrice et tous les avantages qui vont avec, dont le château de la Malmaison.
C’est à la Malmaison, entre 1800 et 1802, que Napoléon et Joséphine ont vécu leurs plus belles années. Loin de la cour et de l’étiquette, l’insouciance y est de mise. Joséphine n’a de cesse d’embellir le château et d’agrandir le parc qui atteint rapidement la superficie de sept cent vingt-six hectares. Très vite, la Malmaison devient, avec le palais des Tuileries, le cœur du gouvernement. Bonaparte se fait aménager un vaste espace de treize mètres de long, qui regroupe sa bibliothèque, ses cartes et un bureau, que ce touche-à-tout de génie dessine lui-même et fait réaliser par l’ébéniste Jacob. C’est là qu’il commence à rédiger le code civil. Un escalier dérobé mène à ses appartements personnels.
Napoléon et Joséphine font chambre à part, car très vite Napoléon est excédé par ses crises de jalousie où elle lui reproche ses retours tardifs. Tenue à l’écart des décisions politiques, Joséphine peut se consacrer à sa véritable passion : la botanique. Elle fait construire une immense serre à la Malmaison, dans laquelle plus de deux cents variétés de plantes nouvelles fleurissent pour la première fois en France. La roseraie compte plus de huit cents espèces de roses différentes ! Au milieu de ses jardins, Joséphine constitue également une véritable ménagerie. Des animaux exotiques font de la Malmaison une nouvelle arche de Noé. Au Muséum d’histoire naturelle de Paris est aujourd’hui précieusement conservé l’animal empaillé qui était la vraie curiosité du parc : un cygne. Rapporté d’Australie, ce spécimen est le premier à avoir été introduit en Europe. La Malmaison est aussi réputée pour son excellente table. De son enfance à la Martinique, Joséphine a gardé l’amour du sucre, et ses péchés mignons sont les glaces et la pâtisserie. Et, dans le salon de musique elle installe des tableaux que lui envie le musée du Louvre. Tout contribue donc à faire de la Malmaison un endroit où les jours s’écoulent avec insouciance.
Autoritaire à la guerre, l’Empereur se montre tout aussi strict dans l’organisation de ses appartements privés et exige que, partout où il réside, les mêmes meubles occupent les mêmes places. À Fontainebleau au premier étage, dans la salle du trône, Napoléon reçoit, dirige et administre. Le décor doit impressionner et rappeler sa puissance. Pour réaménager toutes les résidences impériales, Napoléon fait appel aux stars du design de l’époque : Jacob-Desmalter, Marcion, Fontaine, Percier… Dans un contexte historique mouvementé, Napoléon va là aussi imposer son génie, en favorisant la création d’un style nouveau, le style Empire, inspiré de l’Antiquité, un peu chargé mais expression de la puissance du régime. Au cœur de Paris, l’hôtel de Beauharnais en est un exemple magnifique. Pourtant, au lendemain de la Révolution, lorsque l’Empereur reprend les rênes du pouvoir, tout est à reconstruire. Il veut des intérieurs dignes de lui mais pratiques. Les lignes solennelles sont rehaussées de couleurs éclatantes : boiseries dorées, soieries jaunes, cramoisies, vertes ou à rayures. L’inspiration antique se retrouve dans la forme des meubles ornés de figures de la mythologie, gréco-romaine ou égyptienne, mais aussi de l’aigle et de l’abeille, symboles de l’Empire. Il s’agit aussi pour l’Empereur d’un vrai programme économique. En seulement quatorze ans, Napoléon remeuble luxueusement tous ses palais et exporte son style dans toutes les cours européennes qu’il occupe. Ces dépenses pharaoniques soutiennent et relancent les industries et encouragent les arts, qui s’étaient arrêtés pendant la Révolution. On doit à cette époque le miroir mobile appelé psyché, le lavabo en porcelaine, le fauteuil curule emprunté à Rome ou encore la table de nuit. Le style Empire s’impose bien au-delà du règne de Napoléon. Relancée par les Américains et les Russes, friands de ces formes volumineuses, la cote du mobilier Ier Empire est aujourd’hui en plein essor.
Dans la chambre d’apparat de Fontainebleau, les aménagements sont chargés, laissant peu de place à la vie intime. Ironie de l’histoire, cette chambre officielle avait été conçue à l’origine, pour Marie-Antoinette, morte avant même d’avoir pu profiter du lieu. Dans les petits appartements du bas, les dimensions sont plus humaines et les collaborateurs sont ainsi à portée de main de l’Empereur. Mais ils donnent surtout directement sur le jardin de Diane, où le couple impérial peut se promener, et par où peuvent aussi entrer discrètement les maîtresses de Napoléon, en général des comédiennes, des chanteuses et des dames de compagnie. Après un court sommeil, l’Empereur travaille de 2 à 5 heures du matin, profitant du calme qui règne au château. Il se rendort et commence sa journée à 7 heures par la lecture des dépêches et la signature du courrier. Après sa toilette, son valet de chambre, Constant, lui frictionne le dos à l’eau de Cologne et l’habille. Toujours la même tenue : un uniforme de colonel. À 9 heures : lever officiel. Les audiences se succèdent dans le petit salon jusqu’à la fin de la matinée. Le plaisir des repas est accessoire, Napoléon mange vite, salement, avec ses mains et sans serviette. Cette précipitation lui cause de violents maux de ventre et il n’est pas rare qu’il termine étendu de douleur sur le tapis ! L’après-midi est aussi consacré au travail. Trop nerveux pour bien écrire, Napoléon dicte avec facilité plusieurs lettres en même temps. Il parle vite, très vite même, mais ne répète jamais deux fois les mêmes choses. Pour s’accorder une pause, il emprunte un passage qui mène aux appartements privés de sa première femme, l’impératrice Joséphine, situés eux aussi au rez-de-chaussée. Joséphine y reçoit ses hôtes en toute intimité, avec un protocole moins pesant. La légende dit que Napoléon aurait fait murer cette porte le soir même où il décida de divorcer.
Quant à Fontainebleau, écrin de quelques années de bonheur, il a aussi été le cadre tragique des premières heures de la chute de l’Empereur… Il y abdique une première fois, en 1814. C’est là aussi, que, dans un geste de désespoir inhabituel chez lui, il tente de se suicider. Et c’est dans la « cour des Adieux » lors d’une émouvante cérémonie devenue légendaire qu’il annonce son départ pour l’île d’Elbe. Napoléon n’est pas seulement tyrannique et exigeant avec son entourage, il réglemente aussi la mode de l’époque. Il aime les femmes élégantes et la sienne se doit d’être un exemple pour toutes. Il ordonne donc à Joséphine d’être toujours parfaitement habillée et parée… ordre que l’impératrice va exécuter à la perfection. Impératrice de la mode, elle lance les tendances mais modernise aussi les créations et relance l’industrie du luxe français. La mousseline est alors à la mode, mais il très difficile de s’en procurer. Napoléon décrète, en 1806, un embargo très strict sur tous les textiles venant des Indes via l’Angleterre. Il souhaite ainsi relancer l’industrie française du textile de luxe, gravement touchée par la Révolution.
Pendant la campagne d’Égypte, en 1798, Bonaparte découvre le châle, un accessoire venu du lointain Cachemire, en Inde. De retour à Paris, il en offre à toutes les dames de la cour… Joséphine, en grande prêtresse du bon goût, en possède pas moins de soixante-dix ! La folie du châle en cachemire est alors lancée. Mais l’Empereur, comme pour la mousseline, a formellement interdit l’importation de ce tissu. C’est en France que ces châles seront désormais tissés. Pour assurer son éclat aux yeux du monde entier, Napoléon va demander à un jeune bijoutier français de réaliser des pièces uniques. Son chef-d’œuvre reste une sublime parure commandée par Napoléon pour sa seconde femme, l’impératrice Marie-Louise.
Alors qu’au début du XIXe siècle, Napoléon règne sur l’Europe, un événement va venir bouleverser son destin. En janvier 1807, Napoléon entre en Pologne avec pour objectif de contrer les armées qui menacent d’envahir l’Empire. Peu après le comte Poniatowski, chef du gouvernement polonais, organise un bal somptueux en l’honneur de l’Empereur français. Tous les regards se tournent vers Napoléon, mais lui n’a d’yeux que pour la jeune comtesse Marie Walewska, vingt-deux ans, déjà mariée à un homme de soixante et onze ans. Une peau blanche et fraîche, des cheveux blonds, des yeux bleus perçants. La beauté slave de la jeune Marie hypnotise l’Empereur. Pour arriver à ses fins, Napoléon fait pression sur le gouvernement polonais. Si Marie Walewska ne se soumet pas aux désirs de l’Empereur, la Pologne peut dire adieu au soutien de l’armée française. Marie doit braver ses principes et son éducation et accepte un rendez-vous avec Napoléon. À peine se trouve-t-elle en sa présence qu’elle s’évanouit. Grisé par son désir et aveuglé par son pouvoir, Napoléon commet l’irréparable...
À son réveil, Marie découvre un Napoléon honteux. Pendant plusieurs jours, il déclare par écrit son amour à la jeune fille et va tout tenter pour se faire pardonner. Marie Walewska, qui était en fait tombée amoureuse de lui dès le premier regard, lui pardonne. Cet amour passionnel conduit même la jeune fille sur le champ de bataille aux côtés de l’Empereur, là où aucune femme n’est jamais acceptée. D’habitude si excessif, Napoléon se calme et n’hésite pas à s’accorder du temps avec sa nouvelle compagne dans les châteaux qu’il occupe. Ces moments de bonheur s’arrêtent en juin 1807, quand Napoléon rentre en France. Avant de quitter la Pologne, il pactise avec le tsar. Les accords de Tilsit fondent le grand-duché de Varsovie. La Pologne libre dont rêvait Marie ne sera donc pas créée.
En mai 1810, elle met au monde un petit Alexandre que Napoléon n’oubliera pas de gâter. Mais Marie Walewska ne profitera jamais de sa situation privilégiée auprès de l’Empereur. Elle lui restera même fidèle dans les pires moments. Quand il abdique, elle est à ses côtés, et elle bravera les frontières de l’exil pour le rejoindre à l’île d’Elbe. Marie Walewska ne voulait pas marquer l’histoire, mais le cœur de Napoléon. Elle est celle qui lui écrivit un jour… « Lorsque tu cesseras de m’aimer, sache que je t’aime toujours ».
Finalement, Napoléon se remarie avec Marie-Louise d’Autriche, pour qu’elle lui donne un héritier. Il va même la surnommer « le ventre »… Nouvelle impératrice des Français, Marie-Louise d’Autriche a dix-huit ans. Un peu gauche et ronde, le regard sans charme, elle a le menton prononcé des Habsbourg. Mais elle a surtout grandi dans la haine de Napoléon qui est en guerre avec son pays depuis sa naissance et dans la haine de la France qui a laissé guillotiner sa tante, la reine Marie-Antoinette. Pourtant élevée pour obéir, Marie-Louise se soumet à la volonté de son père. Le mariage est arrangé, Napoléon peut maintenant prétendre jouer dans la cour des grands. La bénédiction a finalement lieu au Louvre, le 2 avril 1810. Afin de rendre son dévouement moins douloureux, Marie-Louise s’attache à celui qui est désormais son mari. Napoléon, séduit par la gentillesse de la jeune fille, a commandé un trousseau féerique pour le mariage. Il ordonne ensuite des travaux considérables au château de Compiègne.
Si Napoléon profite un peu plus des charmes de la vie, sa jalousie et sa méfiance le poussent à organiser une surveillance sans faille autour de Marie-Louise. Aucun homme ne doit passer plus de deux minutes en sa présence. Très vite, Marie-Louise offre à l’Empereur le garçon qu’il attendait. Cent un coups de canon saluent la naissance de l’Aiglon le 20 mars 1811. Napoléon est un homme comblé. Mais ce nouveau mariage n’assure qu’une paix relative entre la France et l’Autriche. En 1814, avec l’aide de la Russie, l’Autriche attaque l’Empire français. Napoléon, vaincu et déchu, est contraint à l’exil sur l’île d’Elbe. Il ne règne plus désormais que sur un petit territoire de deux cents kilomètres carrés. Marie-Louise ne viendra pas le voir et l’Empereur ne reverra plus jamais sa femme, ni ce fils qu’il avait tant attendu. À Vienne, l’Aiglon devient le duc de Reichstag et son éducation à la française n’est plus qu’un lointain souvenir. Marie-Louise va très vite refaire sa vie avec l’homme alors chargé de sa protection, le général von Neipperg, qui a perdu un œil contre les Français. Aiglon va finir sa vie tristement, seul, sans sa mère et sans ce père qu’il a si peu connu. Marie-Louise meurt à l’âge de cinquante-six ans, de la même maladie que Joséphine trente-trois ans plus tôt. Curieux hasard...
Sur l’île d’Elbe, administrateur dans l’âme, incapable de rester inactif, Napoléon se lance dans de grands travaux. Pendant trois cents jours il règne sur un royaume d’opérette. La vie sentimentale de l’Empereur est au plus bas. Même s’il obtient les faveurs des quelques dames de compagnie de sa sœur Pauline, en exil avec lui, c’est un homme malheureux. Il attend désespérément sa femme et son fils. De retour au pouvoir, il tiendra seulement cent jours. Après Waterloo, l’ancien Empereur des Français doit abdiquer une deuxième fois. Il se rend aux Anglais, puis est exilé à Sainte-Hélène. Cette colonie anglaise est un gros rocher aride, perdu au milieu de l’Atlantique Sud, à trois mois de navigation de l’Europe. Napoléon emmène avec lui les généraux Bertrand et Gourgaud, le comte de Las Cases et le fidèle comte de Montholon. La jeune Betsy Balcombe, âgée d’à peine quinze ans, est la première à marquer son cœur d’exilé. En attendant que sa nouvelle résidence soit décemment aménagée, Napoléon s’installe chez le père de la jeune fille, agent de la compagnie des Indes. Avec elle, l’ogre corse vit les meilleurs moments de son exil. À la fois innocente et impertinente, Betsy le fait rire et lui tient tête. Mais, très vite, la réalité le rattrape… C’est le départ pour Longwood, le palais prison, au centre de l’île, sur un haut plateau battu par les vents. Dans cette demeure de plain-pied, sans confort, surveillée vingt-quatre heures sur vingt-quatre par les soldats anglais, les habitants vivent une promiscuité étouffante. L’Empereur tente de recréer l’ambiance de la cour pour sauver l’honneur. Mais il a besoin, comme toujours, de s’appuyer sur une femme, et il sait depuis longtemps que Marie-Louise ne viendra pas. Il sent aussi qu’il risque de finir ses jours à Sainte-Hélène, où les femmes ne sont pas nombreuses dans l’entourage du prisonnier...
Parmi elles, Napoléon s’intéresse à la femme du comte de Montholon qui aura plusieurs enfants dont on ne sait s’il fut réellement le père. De ce rapprochement naîtra l’une des théories selon laquelle Napoléon est mort empoisonné par le comte, devenu un mari jaloux. L’ennui, le climat insalubre et l’enfermement finissent par avoir raison de la fougue de l’empereur. Lui qui ne pouvait rester en place se retrouve désormais désœuvré, passant des heures dans sa baignoire, à se remémorer sa gloire passée. Il aura vu le jour sur une île et c’est sur une île, Sainte-Hélène, qu’il disparaîtra, le 5 mai 1821, au terme d’une lente agonie. Sainte-Hélène, le prénom d’une femme ! Triste ironie pour celui que l’on disait misogyne, jaloux, et qui se plaisait à dire qu’en amour la seule victoire, c’est la fuite...
Par Stéphane Bern dans "Secrets d'Histoire 1", editions France Loisirs 2012, France. Dactylographié et adapté pour être posté par Leopoldo Costa.
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