LES TEMPLIERS- LEGENDAIRES MOINES-GUERRIERS


LA FONDATION DE L'ORDRE DU TEMPLE

L'un des problèmes les plus cruciaux pour les Francs était le manque de moyens pour protéger es pèlerins au Proche-Orient. Or c'était un des buts fondamentaux invoqués par le pape pour élever l'idéal des Croisades au-dessus de toute considération. Il s'agissait d'offrir à tous les pèlerins chrétiens la possibilité d'accéder aux lieux saints.

Une fois que la bande côtière fut sécurisée, l'accès à Jérusalem par la mer fut assuré. Mais les communications avec les royaumes francs ou la visite des lieux saints nécessitaient un dangereux voyage sous la menace des bandits et des Sarrasins.

Le manque de troupes et de ressources militaires en général des nouveaux royaumes chrétiens les mettait dans l' impossibilité d'assurer la sécurité en dehors des murs de leurs cités ou de leurs forteresses.

L'ordre du Temple fut ainsi établi avec pour seul but au départ de procurer une protection armée aux pèlerins chrétiens. En 1118, sous le règne du roi Baudouin Il, un petit groupe de chevaliers décida en effet de faire voeu de chasteté, de pauvreté et d'obéissance au patriarche de Jérusalem.

Les deux meneurs parmi ces neuf chevaliers étaient Hughes de Payns (ou Payens) et Godefroy de Saint-Omer. Au début, ils décidèrent d'appeler leur ordre « Les pauvres chevaliers du Christ ».

Le roi leur attribua des baraquements dans la partie sud du Temple de Salomon. Ce déplacement les incita à changer de nom pour s'appeler d'abord «Les chevaliers du Temple de Salomon » puis « Les chevaliers du Temple » et enfin seulement « Les Templiers» ou « Le Temple ».

En leur accordant cette faveur royale, le roi leur donna également l'honorable et importante mission de maintenir les routes et les chemins ouverts entre les cités et les sites sacrés de Terre Sainte. La première décennie de l'ordre fut marquée par une absence d'activité liée au voeu de pauvreté qu'avaient fait ses membres. Ces derniers dépendaient de la charité des croyants pour leur nourriture et leurs vêtements.

Ils n'avaient aucune ressource susceptible d'attirer de nouveaux volontaires et se trouvaient même dans l'incapacité de revêtir le manteau blanc avec la croix rouge qui fut par la suite leur marque de reconnaissance. Par ailleurs, leurs tâches étaient impossibles à assumer avec aussi peu d'hommes. Neuf chevaliers constituaient une force totalement insuffisante pour rendre sûres les routes. Cependant, c'est à cette époque que le Temple commença à prospérer.

Le roi Baudouin Il était enthousiasmé par l'Ordre dans lequel il voyait s'incarner les idéaux les plus purs de la chevalerie. L'Ordre se vit accorder des exemptions de taxes et fut assigné à la protection du comte de Champagne qui venait de la même ville que Hughes de Payns.

Une fois que l'Ordre eut commencé à établir de solides fondations, il devint évident qu'il lui fallait installer ses quartiers-généraux en Occident, à l'abri de la situation précaire qui était la sienne dans une Jérusalem constamment sous la menace de ses ennemis. Il était nécessaire de créer un réseau de soutien et de promotion parmi les nobles familles européennes qui dirigeaient à l'époque, avec l'Eglise, les destinées du monde.

LES PREMIERS TEMPLIERS

Hughes de Payns arriva en Europe en 1128 et débuta immédiatement un périple pour chercher du soutien pour le nouvel Ordre dont il était le fondateur.

Le chevalier, que l'on peut voir debout sur l'illustration de la page suivante, venait de la ville de Troyes, dans la Champagne française. Il était né aux environs de 1080 dans une noble maison rattachée au comte de Champagne et au futur Saint-Bernard de Clairvaux. Il reçut dès son plus jeune âge une éducation militaire et fit l'apprentissage du rôle des chevaliers dont il devait hériter. Alors même qu'il n'était encore qu'un adolescent, il fut attiré par l'esthétisme de la vie des moines et des cérémonies religieuses.

Il rejoign it la Première Croisade à l'âge de vingt ans. Il se rendit rapidement compte qu' il n'était pas compliqué de trouver parmi les croisés des gens avec les mêmes préoccupations que les siennes.

Il n'est pas difficile d'imaginer ces jeunes guerriers, engagés dans une Guerre Sainte et touchant au sublime comme moine-guerriers, ardents, braves et idéalistes, prêts à sacrifier leur vie pour libérer le Saint Sépulcre.

Hugues de Payns sut instinctivement comment enseigner à ses huit compagnons l'idéal consistant à abandonner la vie mondaine pour rechercher une mission supérieure plus transcendante. Une mission religieuse reposait cependant de manière contradictoire sur l'emploi des armes. Cette contradiction fut toutefois résolue par Saint-Bernard de Clairvaux, ce puissant abbé cistercien qui assista le jeune chevalier pour obtenir la confirmation apostolique et qui élabora les règles du nouvel Ordre.

Hughes de Payns assura très bien la tâche de démêler les fils de la politique en recrutant de nouveaux membres et en recherchant de l'aide en Europe et auprès de l'Eglise. Au concile de Troyes, l'Ordre obtint le soutien du pape et son approbation des règles des Templiers. Dans les années qui suivirent le concile de Troyes, Hugues et ses compagnons continuèrent à promouvoir l'Ordre.

A côté de l'opulence et de l'indolence de la noblesse, le nouvel Ordre offrait une vie de pureté. Ces moines-guerriers attirèrent aussi un petit nombre de nobles qui ne pouvaient hériter de terres ou qui ne ressentaient aucune attirance pour les possessions matérielles.

L'idéal templier donnait un sens à leur vie dans la lignée des idéaux oubliés des chevaliers médiévaux. L'enthousiasme pour le nouvel Ordre gagna même les plus puissants seigneurs de l'époque qui offrirent d'importantes donations. Ces derniers prirent le nom de « colis templiers ». En outre, il donnèrent également des monastères, des châteaux et d'autres bâtiments assurant ainsi la base de la future économie de l'Ordre.

Le pape Innocent Il était un grand admirateur et protecteur de l'Ordre. En 1139, il publia une bulle Omne Datum Optimum qui consolida l'Ordre et lui donna sa complète indépendance vis-à-vis de toutes les puissances temporelles ou ecclésiastiques en le plaçant directement sous le mandat du Saint Siège. Dorénavant, les Templiers répondaient de leurs actes uniquement devant le pontife en personne.

Deux chevaliers à cheval


Cette illustration repose sur un des sceaux des templiers. Comme cela a été mentionné précédemment, les premiers templiers, ayant fait voeu de pauvreté, ne portaient pas le manteau blanc frappé de la croix rouge. Ce ne fut pas avant 1147 que Eugène III attribua à l'Ordre son « uniforme ». Ils éta ient ainsi vêtus comme un « bouclier triomphant qui les maintenait forts contre l'infidèle ».

L' idée principale derrière cette image de piété et de pauvreté était de rappeler les voeux qui avaient été à l'origine de la fondation de l'Ordre. Malheureusement, ces voeux ne devaient pas rester longtemps en vigueur. Mais une autre version tout aussi crédible de la même illustration nous raconte que les deux chevaliers symbolisent la double vocation de l'Ordre, militaire et religieuse.

Cette dualité entre le temporel et le spirituel se retrouve dans les couleurs blanche et noire de leur bannière « Beausséant » (ou Beaucéant), noir pour la terre et blanc pour le ciel c'est-à-dire les chevaliers civils et les chevaliers de Dieu.

Ces frères chevaliers à cheval arborent cette bannière « blanche parce qu'ils sont plein d'amour pour leurs amis et le Christ et noire car ils sont terribles pour leurs ennemis ».

LES REGLES DES TEMPLIERS

Les règles des templiers reposaient sur des concepts  adoptés lors du concile de Troyes par Hughes de Payns.

Elles se fondaient de manière évidente sur des idéaux religieux issus de l'idéologie de Saint-Bernard de Clairvaux et des moines cisterciens.

Ce texte méticuleux réglait tous les aspects religieux et militaires de la confrérie. Il était complété par un certain nombre de statuts hiérarchiques que nous aborderons plus loin. En 150 ans, le texte évolua constamment pour être finalement constitué de plus de 600 articles.

Les règles des templiers ne laissaient à aucun membre de liberté d'initiative. Ceci donnait aux troupes une cohésion qui était quelque chose de complètement innovant pour une armée chrétienne de cette époque, où chaque chevalier agissait en fonction de ses propres critères.

Les voeux d'obéissance monastique donnaient à l'Ordre son caractère religieux. Toute mauvaise conduite ou tout acte d'insubordination était considéré comme un péché dans l'esprit du templier.

Parmi les multiples articles et dispositions, certains méritent d'être mis en lumière:
- les postulants étaient acceptés pour une période probatoire. Si le Grand-Maître et les Frères étaient satisfaits, ils obtenaient l'autorisation d'exprimer leurs aspirations « avec un coeur pur » devant le conseil de la confrérie.
- il existait deux types de conseil: le conseil général, où les décisions étaient prises pour tous les sujets importants comme l'élection des Grands Maîtres, et le conseil ordinaire, qui se tenait chaque semaine si plus de quatre Frères étaient présents;
- tous les chevaliers devaient manger dans le réfectoire en silence tout en écoutant des textes sacrés;
- aucun enfant n'était accepté;
- la tenue vestimentaire était stricte sur tous les points. Elle devait être austère et fonctionnelle, excluant toute forme de bijoux ou d'ornements en or ou en argent; le Grand Maître contrôlait tous les biens des Frères et exerçait une autorité totale sur l'Ordre;
· si l'un des membres tombait malade, il pouvait être dispensé des cérémonies religieuses mais devait néanmoins assister aux prières quotidiennes. Il resta it dans des hôpitaux séparés;
- il était interdit de chasser ou d'utiliser un arc. Le lion éta it le seul animal qu'il était permis de chasser;
· sans l'autorisation du Grand Maître, personne ne pouva it avoir une bourse ou un coffre qui fermait, ni recevoir du courrier de ses parents ou d'autres personnes;
· quand un Frère commettait un écart, ou quand il parlait au combat ou dans d'autres circonstances, il deva it se présenter devant le Grand Maître et prier pour sa pénitence;
· si l'acte était plus grave, il éta it banni de la compagnie en attentant la décision du Grand Maître;
· si la faute était très grave et que le Frère incriminé n'exprima it aucun regret, il était banni du reste du troupeau des «pieuses brebis» selon la formule: «Nous devons bannir l'immoral du groupe»;
- le pardon ne pouvait être plus grand que la faute elle même, ni la sanction trop petite qu'elle n'en incite le pécheur à récidiver;
- l'Ordre était considéré comme une émanation des Saintes Ecritures et de la Divine Providence née en Terre Sainte. Pour cette raison, ses membres pouvaient tuer n'importe quel ennemi de la Croix sans commettre un péché. Ils pouvaient avoir des terres et des esclaves, des vilains et des champs et les gouverner en toute justice;
- toutes les ressources de l'Ordre étaient organisées en provinces avec un commandeur à leur tête. A son apogée, l'Ordre gouvernait six provinces: trois au ProcheOrient, à Antioche et à Tripoli; sept en Europe (France, Grande-Bretagne, Poitou, Aragon, Portugal, Hongrie et Apulie);
- il était possible de rejoindre l'Ordre pour une courte période de temps, bien que toutes les règles dussent être suivies;
- les femmes n'étaient pas admises et il était interdit d'avoir des relations avec elles;
- il était interdit d'entrer dans les cités, les villages ou les châteaux dans un rayon de cinq kilomètres des quartiers-généraux de l'Ordre;
- les vieux chevaliers n'étaient pas autorisés à conserver leur équipement militaire qu'ils devaient laisser à d'autres Frères. En retour, ils recevaient un cheval docile et ils pouvaient ainsi prendre du temps pour prendre soin de l'animal.

LES MOINES GUERRIERS

Cette illustration nous montre Saint-Bernard de Clairvaux en compagnie de moines-templiers, lors de l'une de ses nombreuses missions en France.

Saint-Bernard exerça une énorme influence sur la Chrétienté et sur les Templiers. Il était un ami et un parent d'Hughes de Payns. Il fut celui qui l'assista pour écrire les règles de l'Ordre et écrivit l'homélie Eloge de la nouvelle milice où il opposa les valeurs des Templiers à celles des « chevaliers de châteaux » plus intéressés par les jeunes femmes que d'assurer leurs devoirs militaires.

Le jeune Bernard de Fontaines, originaire de Bourgogne, rejoignit l'Ordre cistercien en 1112. Il lui fut demandé de fonder et de prendre soin de l'abbaye de Clairvaux en Champagne. Du plus humble des travails au conseil spirituel de tous les Templiers, tout ce qu'il fit, il le fit avec piété et dévotion. Sa jeunesse ainsi que sa profonde intelligence et ses qualités oratoires lui valurent une profonde influence.

Il écrivit des lettres aux rois, aux papes et aux Évêques. Il rédigea par ailleurs plusieurs traités de théologie, d'esthétisme et sur la chevalerie chrétienne. Il prêcha dans toute l'Europe, dans les plus hautes cours et les monastères. Il parla du Christ et de la Vierge Marie d'une manière à la fois candide et militaire. Il exprima, de la plus érudite des manières, ce que la société médiévale embarquée dans les Croisades voulait entendre.

Dans son homélie Eloge de la nouvelle milice, il écrivit: « Les soldats du Christ combattent pour le Seigneur avec confiance, sans peur de commettre un péché quand ils tuent un ennemi et en étant certain d'obtenir le salut éternel s'ils étaient tués. Tuer ou être tué pour le Christ n'était pas un péché aux yeux du Seigneur.

C'est un glorieux moment: des hommes combattant pour le Seigneur qui regarde avec bienveillance la manière dont ils traitent ses ennemis et qui, par dessus tout, s'offre en consolation à ceux qui meurent au combat. Ainsi nous pouvons affirmer sans crainte de nous tromper que tous les soldats du Christ tuèrent avec confiance et moururent avec encore plus de confiance. Il gagne énormément s' il meurt et triomphe pour le Christ s'il gagne ».

La vie quotidienne dans un monastère A minuit, toutes les cloches sonnent les « matines ». Tous les Frères doivent se lever, mettre leurs chausses et revêtir un manteau pour assister aux cérémonies religieuses qui consistent à réciter treize « Notre Père ». Une fois cela fait, ils devaient s'occuper des écuries et de toutes les autres tâches nécessaires. Ce travail terminé, ils devaient réciter un autre « Notre Père » et retourner se coucher.

A prime (première sonnerie), ils s'habillaient et assistaient à la messe. Quand la messe était terminée, ils accomplissaient leurs devoirs. Il faut cependant considérer que ces monastères n'étaient pas seulement des lieux de culte et d'entraînement militaire mais aussi des fermes et des casernements, de véritables centres agricoles et d'élevage implantés sur de larges territoires avec de nombreux paysans.

Les chevaliers prenaient grand soin de leurs armes et de leur équipement militaire. Ils se maintenaient également en bonne condition physique grâce à un entraînement militaire strict.

Le premier repas de la journée était le déjeuner. Les chevaliers et les sergents étaient les premiers à manger. Ensuite venaient les écuyers, les serviteurs et les turcopoles (des cavaliers mercenaires originaires de Syrie).

La règle voulait que deux chevaliers dussent manger dans un seul plat, bien que chacun utilisât un petit bol, une cuillère et un couteau à pain. Le repas était pris en silence et personne ne pouvait quitter son siège avant la fin du repas, sauf en cas d'appel aux armes, de saignement de nez ou s' il fallait s'occuper de chevaux malades.

Dans l'après-midi, ils devaient prier aux petites  heures et, bien sûr, continuer d 'assurer leur travail habituel. Ensuite, il était temps de dîner. Quand les dernières sonneries de cloche sonnaient les complies, la communauté tout entière se dirigeait vers la chapelle et le commandant en chef et le chevalier commandeur donnaient leurs instructions pour le jour suivant.

Après avoir pris soin des étables et des animaux et avoir donné aux écuyers leurs instructions pour le jour suivant, les Frères se retiraient pour dormir.

LES GRANDS MAITRES TEMPLIERS

Les templiers étaient sous les ordres de leur Grand Maître. S'il exerçait sur eux l'autorité d'un chef uprême, il ne pouvait prendre les décisions les plus importantes sans l'approbation du chapitre. A la mort du Grand Maître et après ses funérailles, se déroulait l'élection de son successeur.

Dans l' intérim, ses fonctions étaient assurées par le maréchal qui convoquait tous les dignitaires de l'Ordre. Ceux-ci élisaient alors un commandeur qui formait un conseil restreint avec les commandeurs des trois provinces Uérusalem, Antioche et Tripoli) et choisissait le jour de l'élection.

Ce jour-là, un chapitre restreint désignait un commandeur de l'élection et lui choisissait un adjoint. Tous deux se retiraient alors pour prier jusqu'à l'aube. Après la messe, ils élisaient deux frères, puis tous ensemble deux autres frères et ainsi de suite jusqu 'à être douze, en rappel des Apôtres. Ils élisaient alors le chapelain de l'Ordre. Parmi eux devaient se trouver huit chevaliers et quatre sergents. Quand ils s'étaient mis d'accord sur deux noms, le vote pouvait commencer pour savoir lequel des deux serait le nouveau Grand Maître.

Ce dernier était alors présenté en ces termes devant l'assemblée de l'Ordre: « Beaux frères, remerciez Dieu, voici votre nouveau Grand Maître ».

Le Grand Maître Gérard de Ridefort (1184- 1189)

Quand le roi Baudouin IV « le lépreux » décéda en 1185, le comte Raymond de Tripoli devint régent. C'était un homme honnête et brave qui essaya de négocier une trêve avec Saladin pour éviter de perdre son royaume.

Cependant, la faction opposée, conduite par le Grand Maître de Ridefort, qui haïssait Raymond de Tripoli, favorisa l'accession au pouvoir de l'incompétent Guy de Lusignan, beau-frère du roi. En favorisant son couronnement, Ridefort suivit ses sentiments plutôt que de ten ir compte des intérêts de la chrétienté.

Gérard de Ridefort était un homme virulent et fier qui manquait de sensibilité. Un jour, il envoya 90 chevaliers du Temple à cheval, dix Hospitalier et leur maître, Roger des Moulins, et quarante cavaliers affronter 7.000 Sarrasins. Le maréchal du Temple le mit cependant en garde contre la folie de ses intentions mais le Grand Maître lui rétorqua «Tenez-vous tant à cette tête blonde que vous souhaitiez la conserver? ». Le maréchal lui répliqua « Je vais les laisser me tuer comme un chevalier pendant que vous vous enfuirez ». Seuls deux chevaliers et le Grand Maître survécurent à cette charge insensée.

« Survivant » est d'ailleurs un adjectif qui peut être appliqué à Gérard de Ridefort sans crainte de se tromper. Il incita le roi Guy au combat lors de la bataille d'Hattin, refusant la trêve négociée par Raymond de Tripoli et Saladin. La défaite d'Hattin fut catastrophique. Saladin laissa les Croisés épuisés et assoiffés progresser sous le soleil du désert.

Ses troupes n'eurent ensuite aucune difficulté pour anéantir un ennemi démoralisé et dim inué. Il ordonna l'exécution de tous les hommes capturés mais laissa le Grand Maître en vie et le libéra à la chute de Jérusalem.

Lors du siège de Saint-Jean d 'Acre, l'arrogant Grand Maître tomba de nouveau dans les mains de Saladin. Cette fois-ci, ce dernier décida de le faire exécuter. Cependant, pour obtenir la vie sauve et la liberté, il n'hésita pas à faire le serment de ne plus lutter contre l'Islam, en violation directe de ses voeux de Templier.

L'ECONOMIE DU TEMPLE

Il n'aurait pas été possible de maintenir une structure militaire telle que celle de l'Ordre du Temple sans une structure économique solide.

Les Templiers étaient parfaitement conscients de cela dès la fondation de l'Ordre. C'est la raison pour laquelle le premier Grand Maître, Hugues de Payns, traversa l'Europe avec deux objectifs en tête: la reconnaissance de l'Eglise et l'établissement de fondations économiques stables.

Le soutien du Pape ainsi que la campagne de propagande menée lors de la Première Croisade l'aida à obtenir de très généreux dons des familles européennes les plus riches.

L'ampleur des dons surprit tout le monde. Elle fut telle qu'en quelques années il fallut employer des administrateurs pour toutes les possessions de l'Ordre. La France fut très généreuse en argent. Cependant d'autres monarchies rivalisèrent avec elle établissant ainsi des liens très forts avec l'Ordre.

Les royaumes espagnols étaient en guerre permanente avec les musulmans. Aussi, pour obtenir le soutien des moines-guerriers si craints de leurs ennemis, les monarques d 'Aragon, du Portugal et de Castille donnèrent des terres et des châteaux au Temple.

L'administration des templiers reflète parfaitement leur but unique. Ils échangeaient ou vendaient les terres et les habitations pour disposer de territoires homogènes plus faciles à gérer et à administrer. Ils percevaient des fermages de leurs possessions avec pour objectif de ne pas voir leurs revenus dépendants d'une mauvaise récolte ou d'autres facteurs. Les gestionnaires de l'Ordre avaient donc des objectifs bien définis.

Ils devaient assurer l'autonomie des territoires à leur charge de manière à pouvoir envoyer des revenus ou la production en surplus aux armées stationnées en Terre Sainte. Les revenus envoyés furent largement suffisants pour couvrir les besoins grâce aux très vastes possessions de l'Ordre.

Pour conserver le flot des échanges commerciaux, il était nécessaire de conserver ouvertes les routes commerciales. Ainsi furent créées les premières routes commerciales des Templiers, équipées de tours et d'abris pour protéger les marchands contre les bandits et le mauvais temps.

Il y avait des patrouilles montées le long des routes et des logements dans les forteresses acquises par les Frères à des endroits stratégiques pour le contrôle des routes.

Les deux routes principales reliaient le nord de la France et la Méditerranée. L'une passait par le quartier-général à Paris l'autre par la région de Payns. Toute cette richesse, protégée par une structure militaire solide, gagna la confiance des marchands à la fois dans l'Ordre et dans ses trésoriers qui faisaient office de banquiers.

Dans l'Europe médiévale, toutes les banques internationales étaient tenues par des Italiens. Cependant, il ne fallut pas longtemps avant que le sentiment d'honnêteté inspiré par les moines, ne fît d'eux les banquiers de la Chrétienté. Les trésoriers du quartier-général de Paris furent ainsi, à partir du XIIIe siècle, les administrateurs du trésor de la royauté française.

Ils accordaient des prêts, prolongeaient des lettres de crédit et effectuaient toutes autres sortes d'opérations bancaires, transformant leurs chapelles en agences bancaires.

Le contrôle des routes maritimes en Méditerranée était également une priorité car elles jouaient un rôle stratégique essentiel pour le soutien des armées du Moyen-Orient. L'Ordre fut si efficace en la matière que très rapidement sa flotte rivalisa avec celle de Venise, en faisant un concurrent redoutable en Méditerranée. A l'époque des Croisades, l'ordre devint donc un conglomérat multinational de grande taille.

ESOTERISME

La nature ésotérique de l'Ordre a donné à d'innombrables auteurs de quoi faire couler beaucoup d'encre. Il existe une très nombreuse littérature sur ce seul sujet avec régulièrement de nouvelles « révélations» ou théories.

Tout en essayant de rester objectif dans le présent ouvrage, il fallut néanmoins reconnaître qu'il y avait de nombreux aspects de la vie de ces moines, qui restaient plus ou moins déconcertants. Ses origines et sa fondation restent ainsi toujours un mystère.

Hugues de Payns conserva les mêmes neuf chevaliers pendant neuf ans, soit un nombre d'individus tout à fait insuffisant pour mener à bien sa mission principale: protéger du danger les routes de la Terre Sainte.

Pourquoi neuf chevaliers pendant neuf ans? Trouvèrent-ils réellement un trésor dans le Temple de Salomon ? Furent-ils les gardiens du Saint Graal? Existe-t-i1 un motif obscur à la remarquable croissance  économique de l'Ordre autre que les causes évoquées précédemment?

Ces questions et bien d'autres encore se posent toujours. Nous ne pouvons nier que l'obscurantisme est l'un des aspects épineux des pratiques ésotériques des templiers. Certaines des histoires les concernant trouvent leurs origines dans les pensées dépravées des inquisiteurs du Moyen Âge qui torturèrent les moines pour obtenir des confessions infâmes.

L'une des accusations portées concernait l'idolâtrie. Les templiers furent accusés d'adorer une tête décapitée appelée le Baphomet, une idole décrite sous de multiples aspects. Au niveau ésotérique, et si l'on accepte l'idée d'une secte constituée par des initiés de l'Ordre, le Baphomet représentait en réalité l'esprit démoniaque collectif et individuel nécessaire pour obtenir la lumière de la connaissance. Les chevaliers abandonnaient le monde du désir et de la chair pour marcher sans mensonges dans le silence de la connaissance, sans le conseil de Dieu.

Dans la magie noire, le Baphomet représentait les origines du mal, la chèvre satanique des sorciers. Les rites d'initiation ressemblaient à ceux d'une secte secrète avec une tradition rituelle et méthodique pleine d'un symbolisme inconnu des non-initiés.

Un autre mystère concernant les Templiers fut l'existence d'un rite secret réservé uniquement aux hauts dignitaires de l'Ordre, ce qui était en contradiction avec l'esprit chrétien. On pensait qu'il existait une interdiction absolue de publier ces règles pour qu'elles ne puissent être lues par quelqu'un n'appartenant pas à l'ordre.

Afin de démontrer que l'ordre avait renoncé aux dogmes chrétiens, les Inquisiteurs assimilèrent les templiers aux Cathares. Le catharisme fut une interprétation du christianisme très répandue en Occitanie française.

Des milliers de personnes, riches comme pauvres suivirent cette voie. La propagation de cette doctrine poussa l'Eglise à la qualifier de secte hérétique et à appeler à la Croisade contre elle. Les Cathares furent ainsi pratiquement tous exterminés. Accuser le Temple de catharisme revenait donc à en faire une secte d'hérétiques.

Les accords secrets entre l'Ordre et les Musulmans ne les aidèrent guère, notamment celui signé avec Hassan Ibn Sabbah, le « vieil homme de la montagne », chef d'une secte d'assassins qui se perdait dans les brumes de l'ésotérisme.

Et il y avait plus, beaucoup plus, basé sur des thèses parfois abracadabrantes, parfois troublantes... 11 y avait par exemple la coïncidence des nombres, le fait qu'il y avait eu vingt-deux Grands Maîtres et qu'il y avait vingt-deux lettres dans l'alphabet juif dans l'arbre de vie de la Cabale. Il y avait vingt-deux arcanes majeures dans le jeu de tarot et vingt-deux livres de l'Apocalypse selon Saint-Jean.

L'Ordre fut aussi associé à celui des Prieurs de Sion, un ordre secret de Jérusalem fondé par Godefroy de Bouillon et installé dans l'abbaye de Notre Dame de Sion. On raconta que le temple était le bras armé de cet ordre étrange aux origines confuses et que trois de ses fondateurs, dont Hughes de Payns, faisaient partie de l'Ordre de Sion.

L'attitude du Grand Maître Gérard de Ridefort enfin, qui contribua à la perte de Jérusalem, posa de nombreuses questions. Il provoqua apparemment une scission avec l'ordre de Scion, mais le personnage était peut-être tout simplement arrogant et incompétent!

LA CHUTE DU TEMPLE

En 1291, à la suite de la chute de Saint-Jean d'Acre, les templiers s'installèrent à Chypre. La perte de tous les Etats croisés et des Lieux Saints dont la défense était le but ultime de l'ordre, lui posait un dilemme. Quel devait être le nouvel objectif des Frères ? 11 y avait trois réponses possibles à cette question: rester à Chypre et tenter de reconquérir Jérusalem, tâche impossible à l'époque; aller en Espagne pour participer à la reconquête de la péninsule; se retirer en France où l'ordre avait des possessions immenses. Cette dernière proposition fut celle qui retint le plus l'attention, scellant ainsi le destin des templiers.

La richesse des moines-guerriers provoquait l'envie de nombreuses puissances européennes. 11 fallait tenir compte du fait que l'ordre pouvait, au XIIIe siècle, rassembler une armée de 15 000 hommes, bien équipés et unifiés sous un commandement unique avec un objectif commun. Aucune autre puissance n'était capable de faire de même à l'époque.

Bien qu'il s'agît d'une puissance neutre dans les conaits politiques de cette période, certains pouvaient penser que cette immense puissance économique et militaire poursuivait des buts cachés.

Les templiers avaient développé un idéal qui n'avait rien à voir avec les idées ésotériques. Leurs idéaux ressemblaient en fait beaucoup à ceux de notre époque. Rien de moins que la création d'un nouvel ordre mondial, d'une confrérie internationale unie par l'amour du Christ et dirigée par les valeurs de l'austère ordre militaire.

Les puissances de l'Europe médiévale, l'Eglise et l'opinion publique permirent à l'ordre de grandir. Cela était dû pour l'essentiel aux accomplissements de l'ordre lors des Croisades en Terre Sainte. Cependant, avec la fin du conait, comment justifier le maintien d'une telle puissance?

A ces deux facteurs, l'abandon de son objectif initial et les suspicions sur sa puissance s'en ajouta un troisième: la personnalité du dernier Grand Maître, un homme pieu, simple mais honnête qui manquait de la poigne nécessaire pour faire face aux mensonges portés contre l'ordre. Un autre Grand Maître aurait-il été capable de prévenir le désastre qui allait conduire à la chute de l'ordre?

Peut-être, mais une chose est certaine: Jacques de Molay ne savait très certainement pas quoi faire pour l'empêcher. 11 refusa la fusion entre les templiers et les hospitaliers, ratant ainsi une des dernières opportunités de sauver le Temple.

Philippe le Bel fut le principal responsable de la fin de l'Ordre. 11 était suspicieux, ses coffres étaient vides et il souhaitait s'emparer de la puissance des templiers. Comme il ne pouvait subordonner l'ordre à son pouvoir royal, il décida de le conduire à sa perte. La première étape était de le priver du soutien du Pape. L'ambition de Philippe le conduisit à comploter au sein même de la Curie romaine. Il réussit ainsi à faire transférer la papauté vers la cité française d'Avignon, dans le sud de la France, plaçant ainsi le Pape sous son contrôle.

Tenant toutes cartes en main, Guillaume de Nogaret, le conseiller du roi, put commencer une insidieuse campagne de mensonges contres les Templiers. Pour ce faire, il bénéficia du soutien d'un frère renégat, Equino de Floyran. Le Pape Clément V, bien que loyal au roi Philippe, refusa tout d'abord de prendre part à cette infâme démarche.

Le roi de France demanda alors le soutien de l'Inquisition qui contrôlait diverses juridictions politiques et religieuses dans toute la France. En l'an 1307, il signa l'ordre d'arrêter tous les Frères et de saisir leurs richesses.

Mais celles-ci restèrent pour l'essentiel introuvables. Prévenus par les royaumes ibériques, qui refusèrent de soutenir le roi de France, de nombreux Frères purent s'enfuir. Les autres furent arrêtés sans combat car leurs règles leur interdisaient de combattre contre des Chrétiens.

Commença alors pour ces malheureux de longs interrogatoires avec des séances de tortures insoutenables (Note de l'éditeur: les tortures qu'auraient subies les templiers font partie de la légende, l'essentiel du procès n'aurait en fait comporté aucune torture, mais plutôt des privations et enfermements). Leurs tourmenteurs leur arrachèrent ainsi les confessions les plus absurdes qui, par-delà les âges, contribuèrent à alimenter de mystérieuses légendes sur les Templiers. Il fut dit notamment que les Frères devaient cracher sur la Croix pour entrer dans l'Ordre. Le baiser d'amour et de fraternité donné lors de l'introduction d'un nouveau membre fut transformé en un acte de luxure. Le Grand Maître lui-même, brisé par la peur et la souffrance, finit par signer un document confirmant le caractère hérétique
et blasphématoire de l'Ordre.

En avril 1312, le Pape Clément V, sous la pression du Roi, édita une bulle papale, Vox Clementi s, qui supprimait l'ordre. Deux ans plus tard, sur une Île de la Seine, Jacques de Molay, âgé de 73 ans et plusieurs de ses Frères mourraient sur le bûcher pour s'être rétractés en public devant le roi et avoir clamé leur innocence et celle de l'ordre.



Par Miguel Gómez dans "Les Templiers- Les Lengendaires Moines-Guerriers", Andrea Press- Madrid; edition de la version française traduction Jean-Philippe Liardet, Strataegis, Saint-Coanait, France, 2004, p.8-15; 38-41;46-48.   Édité et adapté pour être posté par Leopoldo Costa.

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