MANGER, MAIS QUOI ?
De récentes recommandations réservent quelques surprises
LES OEUFS SONT MAUVAIS POUR LA SANTÉ... NON, ILS SONT BONS!
Évitez le gras... Non, mangez seulement le bon ! Adoptez ce nouveau régime ! Non, plutôt celui-là ! Si vous vouliez suivre tous les conseils donnés pour une saine alimen ta tion depuis quelques décennies, vous ne sauriez plus du tout quoi manger. Mais de plus en plus, selon les spécialistes, ce qui était bon autrefois revient au goût du jour. « Voilà au moins 50 ans qu’on recommande de consommer plus de fruits et de légumes ».
Nous avons beaucoup erré en matière de régimes alimentaires, notamment en donnant mauvaise réputation à des denrées qui ont toujours été bonnes pour nous. « Nous mangeons de la viande rouge et des poissons gras depuis nos premiers pas, affirme Ellen Govers, diététicienne aux Pays-Bas. Cependant, il est tout aussi inconcevable de consommer un demi-kilo de viande rouge par jour que de s’en abstenir complètement. La vérité se situe quelque part entre les deux », conclut-elle.
Encore aujourd’hui, certaines des plus récentes recommandations ressemblent à s’y méprendre à ce qu’aurait pu dire votre grand-mère. « Lorsqu’on consulte la liste des ingrédients d’un plat cuisiné, il est essentiel de reconnaître la nature des trois premiers », tranche Manuela Thul, diététicienne allemande.
Or, modes et régimes miracles n’arrangent rien. « On continue d’en faire la promotion au nom de leurs vertus ou d’un tel chef de file mondial en la matière », soupire David Katz. Mais ce sont des allégations mensongères, car la question n’est pas de savoir comment nous devrions manger. « Nous ne sommes pas vraiment désorientés, nous faisons semblant, c’est tout », insiste le professeur Katz.
Alors comment s’y retrouver ? Simplement, en suivant ces quelques conseils, dès aujourd’hui.
LES MATIÈRES GRASSES
Les plus récents rapports sur les lipides indiquent que, en cette matière, les conseils de spécialistes étaient depuis quelque temps mal fondés, reconnaît David Katz. Il était exagéré de prôner leur élimination complète au détriment des gras « sains » comme les acides oméga 3 des poissons. « Le tableau était si grossier que cela nous a causé des problèmes », constatet-il. Ce qu’il conseille à présent ? Manger des aliments sains et variés en quantités suffisantes. Des viandes maigres de gibier ou de boeuf nourri de plantes fourragères, par exemple, qui contiennent peu de graisses saturées.
On peut aussi consommer des oeufs — modérément —, ainsi qu’avocats, amandes, olives, et saumon puisqu’ils sont riches en bonnes graisses et procurent tous les nutriments nécessaires à la santé. Par conséquent, ne vous inquiétez pas de la teneur en vitamines et en minéraux — si votre régime alimentaire est sain et varié, vous aurez tout ce qu’il vous faut. « Concentrez-vous sur la nourriture, les nutriments suivront », déclare M. Katz.
Les huiles sont une autre source de bons gras. « Les matières grasses avec lesquelles vous cuisinez comptent autant que celles que vous absorbez », souligne Ellen Govers. Les huiles d’olive, de soja, d’arachide et de canola sont bonnes. En revanche, l’huile de noix de coco l’est moins, car elle contient beaucoup de gras saturés.
Comment savoir si vous avez fait un bon choix ? En règle générale, les huiles liquides à température ambiante sont meilleures que les graisses solides, pousuit Mme Govers. Alors que l’olive pousse en région chaude, le canola, qui produit une huile de même valeur, est cultivé en zone tempérée. Inutile de traverser un continent ou un océan pour en trouver une saine.
LES PRODUITS LOCAUX
Il est évident que les aliments produits localement sont plus frais. Par conséquent, ils ont aussi plus de goût et coûtent parfois moins cher ! L’origine de notre nourriture est un aspect essentiel de ce que Manuela Thul appelle une alimentation saine et nutritive. « L’aspect nutritif, expliquet-elle, ne se résume pas à un label biologique, la distance parcourue par les denrées compte aussi. Essayez de consommer en saison ce qui pousse dans votre région. »
Certes, c’est plus facile en été. Mais même en hiver, on peut trouver près de chez soi les cinq portions recommandées de fruits et légumes. Surgelés, ils peuvent être cuits ou transformés en smoothies ! L’idéal, selon Mme Thul, c’est trois portions de légumes et deux de fruits par jour.
Enseigner l’art de bien manger des produits locaux est l’une des missions des diététiciens. De grandes institutions — les Nations unies, l’Organisation mondiale de la santé, Santé Canada — font une liste des micro et macronutriments dont nous avons besoin ; il revient ensuite aux spécialistes de traduire ces normes en aliments recommandés.
« Chaque pays a élaboré son modèle et ses directives alimentaires en fonction de sa population et pour faire connaître les options les plus saines parmi les aliments disponibles, explique Ellen Govers. À l’origine, il s’agit d’une initiative internationale, mais chaque pays propose ses recommandations, qui ne sont au demeurant pas très différentes les unes des autres. »
LES CÉRÉALES
Les fibres sont des nutriments que l’on trouve dans différents groupes d’aliments, notamment les fruits et les légumes, mais aussi les produits céréaliers. Elles favorisent le transit intestinal et la satiété, surtout quand on n’a pas l’habitude d’en manger. Elles réduisent également le taux de cholestérol et de glycémie. L’apport quotidien recommandé est d’environ 30 g, et c’est beaucoup, admet Mme Thul ; nombre d’individus n’en consomment donc pas assez.
Choisissez les aliments complets, dit-elle : muesli, pain de grains entiers, lentilles et autres légumineuses, riz brun ou sauvage et pâtes de blé entier, si possible. Essayez de faire vos gâteaux avec de la farine complète, mais ne renoncez pas tout de suite à la blanche. « On doit s’habituer au goût, fait-elle observer. Si la recette en demande deux tasses, mettez-en une de farine blanchie et une de farine complète pour vous y accoutumer graduellement. »
L’ALIMENTATION DES ENFANTS
Les enfants passent beaucoup de temps à l’école. Les repas qu’ils y prennent font naturellement l’objet d’une grande attention. Le problème ne se résume pas à ce qu’on met dans l’assiette, affirme Maarit Laurinen, spécialiste finlandaise qui anime le blog Kouluruokatietopankki (une banque de données sur les repas scolaires). « Outre sa fonction première, qui est de bien nourrir l’enfant, poursuit-elle, la cantine peut servir à former son goût, à faciliter ses rapports sociaux, à lui donner un sentiment d’appartenance, à promouvoir le développement durable et la production locale. »
Ces repas peuvent apprendre aux élèves que leurs choix alimentaires ont une incidence non seulement sur leur santé, mais sur l’environnement. Mme Laurinen rapporte qu’en Finlande l’un des deux seuls pays où les écoles doivent servir un repas gratuit aux enfants durant leur scolarité obligatoire, certains établissements proposent de temps à autre des « repas bons pour le climat » végétariens et biologiques, ou encore du poisson de la région en guise de solution de rechange éthique et écologique à la viande d’élevage et au poisson importé.
Dans bien d’autres pays, regrette Mme Thul, les menus scolaires laissent beaucoup à désirer, d’autant que les taux d’obésité infantile ne cessent de grimper. Beaucoup de jeunes mangent encore trop de viande, comme les adultes. Mme Laurinen ajoute qu’en incluant plus de poisson au régime alimentaire, on réduit facilement la consommation de viande.
Les autres recommandations pour les enfants n’apportent rien de nouveau sous le soleil, comme celles qui concernent les adultes. C’est la perspective qui a changé. En effet, l’épidémie d’obésité — « maladie endémique », dit Ellen Govers — n’épargne presque aucun pays.
Manuela Thul est du même avis. Elle suggère de donner aux jeunes de l’eau, des jus de fruit ou des tisanes plutôt que des boissons gazeuses, et de les encourager à consommer assez de fruits et légumes pour qu’ils n’aient plus envie de sucreries. On reconnaît, ajoute-t-elle, qu’il faut modifier en profondeur leur alimentation : « C’est essentiel, car l’obésité est en train de devenir un problème grave. »
LES MODES
Les nouvelles recommandations « revues et corrigées » sont souvent entachées par une mode, qui nous a souvent causé des ennuis par le passé. « Pensez aux collations “allégées”, déclare David Katz. Quelle idée de consommer des biscuits riches en sucre et en hydrates de carbone sous prétexte qu’ils ne contiennent pas de matière grasse ! Nous n’arrêtons pas de créer de mauvais aliments », déplore-t-il.
Ces modes sont souvent axées sur l’élimination complète d’une catégorie d’aliments ou de nutriments au détriment des autres — ou du simple bon sens. Manuela Thul en veut pour preuve la popularité des produits sans gluten qui fait rage actuellement. « Parfois, en regardant l’emballage, je me dis : “il n’y en a jamais eu làdedans”. Cela vaut aussi pour le “sans lactose”, poursuit-elle. Quand on lit cette mention sur un sac de farine, il y a de quoi être perplexe. » Seule une petite partie de la population ne digère pas le gluten, précise Mme Thul. « C’est absurde de conseiller aux gens en bonne santé de manger des produits sans gluten ou sans lactose. »
LA CONVIVIALITÉ
Chaque pays publie sa propre interprétation d’un bon régime alimentaire en fonction des préoccupations et des enjeux nationaux. Mais on trouve dans le guide brésilien une recommandation qui devrait être adoptée avec enthousiasme dans le monde entier. Au-delà des conseils classiques — choisir des aliments peu transformés, peu salés et peu sucrés —, il suggère de prendre des repas en bonne compagnie dans un environnement propre, tranquille et agréable.
Pourquoi ? « Quand on est seul, on a tendance à se nourrir plus et moins bien ou à supprimer une partie essentielle du repas comme les légumes », explique Ellen Govers. Les personnes qui vivent seules devraient s’efforcer de manger avec des membres de leur famille ou des amis deux ou trois fois par semaine. « Un repas, ce n’est pas seulement de la nourriture, c’est aussi une ambiance, conclut Mme Govers. On mange pour se nourrir, mais aussi pour faire plaisir et se faire plaisir. »
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UN SUPPLÉMENT VITAMINIQUE JUSTIFIÉ?
Même un régime alimentaire équilibré ne fournira pas une quantité suffisante de vitamine D, un nutriment essentiel. Or, la santé des os en dépend. Notre corps en tire un peu des aliments. Et la peau sécrète cette vitamine quand elle est exposée à la lumière du soleil. Si vous vivez dans une région nordique, vous êtes peut-être déjà au courant du problème, mais de nos jours, même les habitants des régions au climat tempéré ou tropical peuvent être en déficit : « Ils sortent peu parce qu’il fait trop chaud », affirme Ellen Govers.
Les personnes de plus de 50 ans, surtout les femmes, devraient consulter un médecin pour savoir si elles ont besoin d’un supplément quotidien de vitamine D.
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QUOI QUE VOUS MANGIEZ, NE GASPILLEZ PAS!
L'européen moyen jette environ 123 kilos de nourriture chaque année. Ce gaspillage, qui représente à peu près 16 % de tout ce qui est vendu aux consommateurs, pourrait être réduit à presque rien si on en croit un rapport de l’Institut de l’environnement et du développement durable, une branche du Centre commun de recherche de l’Union européenne.
Quelle importance, dites-vous ? Personne ne mangera ma laitue pourrie. Mais selon le rapport, c’est un enjeu de développement : cette nourriture perdue nous fait gaspiller 27 litres d’eau par personne et par jour.
Par E. R. King dans "Sélection Reader's Digest", n. 830, vol. 141, octobre 2016, Montréal, Canada, pp. 66-73. Dactylographié et adapté pour être posté par Leopoldo Costa.
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